Quel regard portez-vous sur la prise en charge des violences intrafamiliales en France ?
François Pesneau : Nous avons assurément franchi un cap important quand on regarde de là où nous partions. Il n'y a pas si longtemps, il y avait une insuffisance, voire une absence, de prise en compte de cette problématique. Aujourd'hui, dans tous les départements de France, son traitement s'est largement amélioré avec notamment un accompagnement des victimes par les différents acteurs et une meilleure prise en charge par les forces de l'ordre qui ont été formées dans cet objectif. Pour autant, même si les améliorations sont importantes, la prise en charge est encore sûrement imparfaite et il nous reste collectivement à être plus exigeants. Il faut que l'on déplace notre curseur en mettant de nouveaux moyens d'action, par exemple en orientant notre travail également sur les auteurs de ces violences. L'idée est de mieux comprendre les mécanismes qui conduisent les auteurs de violence à commettre de tels actes, d'une part afin de prévenir toute récidive et d'autre part pour mettre en place les dispositifs de prévention efficaces.
En quoi consiste votre projet d'hébergement des auteurs de violences conjugales?
F. P. : Il existe déjà des dispositifs de prise en charge des auteurs. Je pense notamment aux CPCA (Centre de prise en charge des auteurs) créés fin 2019 par le Grenelle des violences conjugales. Ces centres, au nombre de 30 sur l'ensemble du territoire, sont coordonnés par l'association de réinsertion sociale du Limousin, l'ARSL, reconnue au niveau national pour ses compétences en la matière. Je pense que ces centres pourraient être utilement complétés par une structure d'hébergement permettant à la fois la mise en place d'un suivi thérapeutique continu et à la fois l'exfiltration du foyer familial de l'auteur.
De quelle manière ce projet pourrait se déployer en Haute-Vienne ?
F. P. : L'idée est de permettre une obligation d'hébergement de la personne violente en dehors de la cellule familiale. Souvent, c'est la double peine pour la victime qui lorsqu'elle porte plainte sait qu'elle devra quitter le domicile conjugal, très souvent accompagnée de ses enfants qui devront également la plupart du temps changer d'école. Il n'y a aucune raison que ce soit à la victime et à ses enfants de devoir modifier du jour au lendemain ses habitudes. J'ajoute que la difficulté liée à cette délocalisation est souvent un frein à la libération de la parole. Si ce projet aboutit, ce sera bien sûr un outil à la main du Parquet mais aussi du juge du Siège en fonction de l'avancée de la procédure. Ce sera bien entendu à eux de décider de la durée et des modalités d'hébergement, notamment la perception d'un loyer.
Avez-vous déjà mis en place ce type de projet dans d'autres territoires ?
F. P. : Ce projet m'est apparu comme une évidence dans mon précédent département, le Loir-et-Cher. J'avais réuni un consensus (Justice, président du Conseil départemental, maires, associations, services de l'État...) autour de l'intérêt d'un tel hébergement. J'avais trouvé un bâtiment, propriété de l'État, et assuré le financement des frais de fonctionnement. Les structures porteuses étaient identifiées. Il ne me restait plus, qu'à mon départ, à trouver les crédits d'investissement pour réaliser des travaux au sein de la maison identifiée. Mon successeur a pris le relais à sa prise de poste et je ne doute pas que le projet a abouti ou aboutira prochainement. En Haute-Vienne, je rêve qu'on arrive à faire sortir de terre une telle structure.