Il est 17 h, même en essayant toutes les astuces du monde, le bébé n'arrête pas de crier et le thermomètre affiche 38,5 °C. Coup de téléphone sur coup de téléphone à tous les généralistes. Pas de réponse, les docteurs sont en consultation et les autres sont débordés. La même réponse : "On ne prend pas de nouveaux patients." Et les pédiatres ? Il faut traverser le département pour aller consulter. Entre-temps, le bébé est de plus en plus chaud. Consternation, confusion, sentiment d'abandon, d'impuissance... Voilà ce que traversent la plupart des patients au quotidien dans les déserts médicaux. Des inquiétudes que les citoyens et les représentants d'une association de patients en Haute-Vienne n'ont pas manqué de signaler lors de la réunion publique du "Tour des déserts médicaux en France", organisée au Palais-sur-Vienne le 5 juin. "J'ai six petits-enfants et ce qui m'inquiète et inquiète les parents est de savoir si en cas d'accident ils pourront les faire soigner", rétorque un septuagénaire.
Une proposition de loi transpartisane
Les quatre députés ont présenté leur proposition de loi transpartisane contre les déserts médicaux avec des députés d'obédience différente : " De la France insoumise jusqu'au LR en passant par les centristes, cette proposition de loi est l'aboutissement d'un long travail parlementaire", explique le député Damien Maudet. Tout l'enjeu est de "convaincre la présidente de l'Assemblée nationale d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour", précise le député Stéphane Delautrette. Ces réunions publiques ont commencé en février dernier en Mayenne avec une série de consultations. "C'est un peu plus long que le Tour de France cycliste, mais je suis sûr qu'à l'arrivée, on aura tous le maillot jaune de l'intérêt général", abonde le député de la Mayenne, Yannick Favennec. Toutefois, l'idée qui fédère la représentation républicaine est loin de séduire les professionnels de santé, plutôt réticents : " Il ne faut pas faire fuir les médecins déjà en place", lance un professionnel de l'Ordre des médecins. D'autant plus que la situation actuelle est due entre autres "à une mauvaise prévoyance chez les gouvernements de gauche comme de droite, le numerus clausus, etc.", s'indigne un citoyen. Car la proposition vise essentiellement à la régulation des installations des médecins dans les territoires en désertification médicale et qui représentent "87 % du territoire national", selon les députés. Pour résumer, les médecins pourront s'installer là où ils veulent, hormis sur les 13 % du territoire en surpopulation de médecins sauf s'ils remplacent des confrères en retraite et sous autorisation de l'Agence régionale de santé publique (ARS).
Au panel des solutions de la proposition de loi, il y a aussi une réorganisation des accès aux soins, le rétablissement de l'obligation des permanences des soins, la réforme des études médicales. Car il ne faut pas se leurrer, les études en médecine demeurent très onéreuses, une raison pour laquelle la proposition prévoit d'élargir cet accès aux catégories sociales défavorisées, issues de la ruralité et des zones urbaines prioritaires. A priori, "les médecins issus de la ruralité seraient plus enclins à s'y installer", semble dire les élus. Un accompagnement qui pourrait commencer plus tôt, explique le député Nicolas Sansu : "À l'image des lycées agricoles, il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas de lycées de santé." Entre-temps, le Tour continue et espère imposer cette proposition de loi sans faire fuir celles et ceux qui souhaitent malgré tout prêter le sermon d'Hippocrate.