« Oh, je n'ai que des vieux papiers, des documents sans importance... C'est parfois ce qu'on peut entendre. Je veux être très claire : un document sans importance, ça n'existe pas. Rien n'est banal ». Babeth Robert se montre très ferme, tout, d'une lettre d'une fille à sa mère à une quittance de loyer en passant par le moindre objet du quotidien, tout est utile à conserver dès lors qu'il concerne de près ou de loin le massacre d'Oradour-sur-Glane de 1944. Parce que tous ces objets participeront de la transmission de la mémoire alors que peu à peu disparaissent les témoins, directs ou indirects de cette période, comme le spécifie la directrice du Centre de la Mémoire d'Oradour-sur-Glane.
« Nous confier ces témoignages du passé répond à trois objectifs, explicite Babeth Robert. D'une part rassembler en un même lieu cette matière, d'autre part protéger des documents parce que nous sommes équipés pour conserver tout type de documents dans de bonnes conditions. Enfin, rendre accessible cette matière, en particulier aux scientifiques mais aussi au public si besoin. » Le don d'un document ou d'un objet au Centre de la Mémoire d'Oradour entraîne la rédaction d'un contrat avec le donateur. « Ce contrat comporte trois garanties, poursuit la directrice, avec les conditions de conservation, que le dépôt ne sera utilisé qu'en fonction de ce qui est inscrit dans le contrat, notamment en ce qui concerne la communication ou la diffusion, et le lien avec le donateur est spécifié et conservé. » D'ailleurs, un don et un contrat sont toujours précédés d'un entretien avec le donateur.
Quant à la conservation du lien entre l'objet et ceux qui l'ont confié, Babeth Robert raconte volontiers cette anecdote : « Un jeune homme vivant à l'étranger voulait montrer à ses camarades étudiants ce que nous avait confié son grand-père. Tout a été organisé à distance puis nous avons accueilli ce groupe d'une vingtaine de personnes un jour férié parce que c'était la seule possibilité. »
En lançant cet appel, bien plus large que les seules frontières de la Haute-Vienne, Babeth Robert a un espoir. "Sur les 643 victimes de ce massacre, 84 sont toujours sans visage." La directrice du Centre de la Mémoire fait ici référence à la galerie qui précède l'entrée dans le village martyr. Y sont exposées les plaques en porcelaine de chaque victime avec un nom, un âge et un visage, mais il en manque 84. « Nous espérons les retrouver pour leur redonner leur humanité », confie-t-elle.
Reprenant l'exemple de l'exposition en cours à Oradour, "Objets en héritage", Babeth Robert insiste sur cette « matière humaine » que constituent tous les objets quotidiens, tous les documents qui viendront renforcer les archives du Centre de la Mémoire d'Oradour-sur-Glane. Et alimenter le travail des historiens et autres scientifiques.