"Parce que les cheveux frisés, ça ne te va pas ! Les cheveux lisses non plus d'ailleurs... En fait, ce sont les cheveux en général qui ne te vont pas." Il est des phrases qui vous marquent à jamais, surtout celles d'une mère. Depuis plus de trente ans, Élisabeth passe chaque jour assise sur un muret face à l'océan, attendant désespérément le retour de son mari disparu en mer près des côtes bretonnes. Sa fille, Simone, a quarante ans. Elle est libraire, elle est revenue vivre avec sa mère pour l'aider. Mais elle assiste impuissante à sa dégradation mentale.
D'emblée, le romancier plante le décor. Les répliques salées d'une mère grincheuse et pas aimable pour un sou vous hérissent le poil. Une mère, Élisabeth, qui fait payer à sa fille, Simone, la disparition du père, Robert Mahé, au lendemain de l'élection de François Mitterrand, le 11 mai 1981. Robert est parti, les recherches n'ont pas abouti. Telle est l'histoire sur laquelle Simone s'est construite. La mère a imposé le silence, la fille s'est exécutée. Mais est-ce la vraie histoire ?
Jérôme de Verdière joue avec les mots "mer" et "mère" et l'on se demande laquelle était la plus mauvaise.
"L'envie de l'étrangler. Mais on n'étrangle pas sa mère. Ça ne se fait pas."
Anatomie d'une relation toxique
Le roman porte une réflexion sur la relation mère fille en particulier et le mal-être silencieux qui peut ronger un être durant des années. Il nous tend le miroir où reconnaître ces bouts de mémoires et histoires qui nous définissent sans que l'on s'en doute. Du haut de ses quarante ans, Simone marche sur la pointe des pieds dans une existence qui peine à démarrer. Dès ses cinq ans, le père a quitté le navire familial. Le bonheur aussi. Le personnage du père, l'absent, dont on ne parle pas et qui pourtant semble obséder mère et fille. Un récit émouvant où les échanges entre les deux femmes sont insoutenables mais le souffle et l'humour caustique de Jérôme de Verdière vous décrochent des sourires.
Perçue par les voisins comme une vieille revêche, Élisabeth vit dans un état de ressentiment absolu avec tout ce qui l'entoure. La haine qu'elle porte en elle semble intacte et résiste aux temps. Jérôme de Verdière pousse le cynisme, l'aigreur de cette femme jusqu'au bout. Au point où elle devient parfois attendrissante. Sa fille, Simone, son souffre-douleur encaisse les phrases assassines mais ses nerfs deviennent fragiles. Parfois, elle lui vient "L'envie de l'étrangler. Mais on n'étrangle pas sa mère. Ça ne se fait pas." Petit à petit, on s'immisce dans l'intimité de ces deux femmes et dans leurs guerres silencieuses. Mais, à la fin, que reste-t-il des non-dits et des secrets de famille et jusqu'où peut-on taire une vérité ? Jérôme de Verdière est journaliste, animateur de la revue de presse sur Paris Première, il est également auteur de La Robe et de plusieurs pièces de théâtre aux éditions du Cherche Midi. Mauvaise mer est son deuxième roman. 192 pages.