Le samedi 29 avril, 1 200 enfants et adultes répondaient à l'appel des génies du lac. Costumés, entonnant les refrains occitans des chants de carnaval limousins, ils ont déambulé des plages de Chabannes à Santrop, lâché à l'eau leurs offrandes en terre crue, convoyé la vache-emblème jusqu'au bûcher - procession follement bigarrée préparée grâce à la magie, sinon l'engagement d'une équipe créative musclée. Car il aura fallu 18 mois d'ingéniosité " pour contacter, relancer, fédérer les gens du territoire ", introduisent les sémillantes Christine, initiatrice du feu festival de street-art de Bellac (2019, puis en 2020-2021 à Limoges), et Aude, enseignante-artiste originaire de Saint-Pardoux-le-Lac. Un carnaval, même Maxi, c'est peu dire, disons une magnifique performance collective à ciel ouvert, pan d'un projet créatif au long cours...
Fiction narrative
Le lac artificiel de Saint-Pardoux, dévolu aux loisirs de plein air, n'en est pas moins ensorcelant - en ses brumes photogéniques semblent s'être réfugiées les créatures légendaires d'antan : " On voulait s'en saisir et le personnifier, lui inventer une mythologie ", explique Aude. " C'est mon petit volcan d'amour, c'est elle l'ADN du projet. Moi je n'ai fait que mettre Limousinart à disposition ", enchaîne Christine. Projet inspiré du célèbre carnaval de Faux-la-Montagne (23) et des bribes de souvenirs d'enfance, telles que l'histoire de la Mère Glouglou. En quête de matière, l'équipe, bille en tête, roule aux quatre vents ; s'organisent de captivantes rencontres, notamment avec deux membres de l'IEO Lemosin (* Institut des études occitanes en Limousin https://ieo-lemosin.org), Marie-France Houdart, ethnologue-éditrice spécialiste du monde paysan (19), et Jean-François Vignaud, conteur et enquêteur de la mémoire occitane. " On a aussi bouquiné sur le folklore et les anciens rituels de carnaval pour coller à ce qui se faisait autrefois " : de ces récits se modèlera librement un panthéon de sept " divinités " et de joyeux cortèges, à l'instar des martes, sorcières malfaisantes aux seins tombants, croqueuses de paysans. S'ajouteront d'autres totems, un poisson, une vache et même une sirène de Saint-Pardoux... improvisée la veille du jour J !
En chœur
Quintessence de l'événement, en marge de sa mission culturelle, ses vocations pédagogiques et sociales. On précise qu'il a entre autres bénéficié du soutien de l'Agence régionale de santé et du dispositif national Adage : " L'idée était que les enfants fassent plus que défiler. On a aussi associé la fondation John-Bost, à Bellac, et ses hôtes en situation de handicap mental. " 350 écoliers issus de six établissements du département ont donc participé activement aux préparatifs via des ateliers créatifs intégrés au programme et animés en classe par des intervenants professionnels tous mobilisés par Aude et le collectif La Cervelle " à la force du poignet " : contes, musique, création de masques en sérigraphie et d'accessoires... Avec un joli lot d'écueils, surmontés à l'huile de coude, des partenaires qui lâchent et à remplacer au pied levé, un budget global de 13 000 € (principalement sécurité et secours) difficile, jusqu'à la dernière minute, à boucler.
Quid de la suite ? Une exposition des costumes et décorum à la Maison du Lac (prochainement), peut-être une deuxième édition, et tout un tas de goodies dans les cartons. Un livre consacré à la légende du lac, d'abord, coécrit avec Jean-François Vignaud, et puis des idées : une chasse annuelle aux démons, ça vous dit ? Il se murmure par ici au gré des taillis que pléthore d'initiatives se mettent à fuser. Oui, le réveil de la Force pourrait bien avoir sonné...