Difficile d'imaginer un repas du dimanche où l'on poserait sur la table, à côté du poulet rôti, une bouteille de vin en carton. C'est pourtant le pari de Green Gen technologies. Ses co-fondateurs, Séverine Laurent Bizos et James de Roany, ambitionnent de créer une alternative au verre pour l'emballage du vin et des spiritueux. Depuis l'installation de leur atelier dans un hangar de 5 000 m2 de la zone de l'Escat, à Bergerac, il y a un an, ils n'ont pas chômé.
Dans un premier temps, il a fallu mettre en place les préfabriqués qui accueillent la chaîne de production de leur premier produit, imaginé en 2018 : la Green Gen bottle lin. Constituée d'un matériau composite, issu de l'assemblage d'une enveloppe tressée en fibre de lin avec une résine biosourcée qui lui confère solidité et résistance, chacune de ces bouteilles est pour l'instant assemblée à la main en différentes étapes par les neuf opérateurs de production recrutés localement. " C'est une première application de la résine composite pour un produit de grande consommation ", explique James de Roany, président de Green Gen technologies. Jusqu'ici, cette technique était plutôt employée pour fabriquer les ailes d'avion ou les coques de bateaux. Cette bouteille premium, opaque, peut contenir du vin mais a davantage trouvé son marché dans le milieu des spiritueux, notamment en raison de son coût d'environ 1 à 2 €, en fonction du modèle.
"Nous avons donc continué les recherches pour en développer une deuxième, avec les contraintes de garder la forme la plus proche possible de la bouteille en verre, pour des raisons marketing mais aussi pratiques, pour la facilité d'embouteillage", précise Jean Le Cocguic, conseiller du président de l'entreprise. C'est ainsi qu'est née la Green Gen bottle carton, sur le principe déjà connu du "bib" ("bag-in-box"), reposant sur un système d'outre en plastique, contenue dans un emballage cylindrique en kraft solide. La chaîne de fabrication de la bouteille carton est en cours de construction sur place. Son automatisation partielle devrait permettre de produire 2,8 millions de bouteilles dès 2025, pour un coût de 0,70 à 0,90 € l'unité.
Recyclable d'un geste
"Cette bouteille n'est pas destinée à des vins à garder pendant 10, 20 ou 30 ans, mais nous garantissons deux ans de conservation sans la moindre difficulté", assure James de Roany, qui précise que "80 % des vins vendus sont consommés dans l'année". Cette solution offre une possibilité aisée de recyclage aux consommateurs : une fois terminée, il suffit d'un simple geste pour séparer l'étui carton du réservoir et du goulot, avant de jeter chaque élément dans le bac approprié. Un avantage non négligeable, alors que l'aspect environnemental prend de plus en plus d'importance aux yeux des consommateurs. "Aujourd'hui, chez les 25-36 ans, deux tiers des acheteurs de vin vont choisir une bouteille en fonction d'un critère environnemental, y compris le contenant", note James de Roany.
Avec un bilan carbone de 21 % inférieur à celui d'une bouteille en verre au niveau de sa production, la bouteille carton présente aussi un intérêt pour les châteaux. "L'emballage pèse lourd dans le bilan carbone d'un domaine, qui peut le faire baisser en intégrant une bouteille de ce type", calculent les responsables de Green Gen technologies. D'un poids plus léger (130 g contre près de 300 g pour le verre), le contenant carton offre aussi des coûts de transport et de manutention moindres. Le premier client de Green Gen pour son innovation est la maison Parsat, à Eymet, spécialisée dans le conditionnement en bib. Proposer une bouteille plus légère s'avère crucial pour certains marchés. "Au Québec, un consortium a été créé et ils ont interdit toute bouteille de plus de 480 g", constate James de Roany. En Suisse, les droits de douane se paient au poids. "C'est pour ça qu'ils importent du vin en vrac. Avec des bouteilles plus légères, on change la donne." L'une des stratégies de Green Gen consiste à proposer aux distributeurs de créer des rayons "éco-responsables", qui inciteraient les producteurs à adapter leurs contenants.
Une réflexion est également en cours pour élargir les secteurs d'utilisation. "La bière est un marché que l'on souhaite atteindre mais on nous parle aussi d'huile de noix, d'olive... et pourquoi pas de cosmétiques", énumère Jean Le Cocguic.
Un modèle duplicable
Le but de l'entreprise bergeracoise n'est toutefois pas d'envoyer des millions de bouteilles vides à travers le monde. S'il s'est installé à Bergerac pour être à proximité du vignoble, James de Roany a également réfléchi aux possibilités de développement à l'étranger, notamment du côté de l'Australie, où il a déjà des contacts. "Ce serait complètement idiot, d'un point de vue environnemental, d'envoyer des bouteilles en Australie pour les remplir et les renvoyer en Europe pour les vendre. L'idée, c'est de produire sur place les bouteilles, sur le modèle de l'atelier de Bergerac", explique-t-il. Plus près de nous, il imagine la même chose en Italie, Espagne, dans la vallée du Rhône ou encore en Alsace.